Témoignages

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Témoignage Flora COUTURIER, animatrice d’un groupe 30 000 à la Chambre Départementale d’Agriculture de l’Aube

 

1.Parlez-moi du groupe 30 000 que vous animez.

 J’anime un groupe constitué de 16 agriculteurs, qui se situent dans le secteur de Brienne-le-Château [à l’est de l’Aube, NDLR]. Le groupe est assez diversifié. On y trouve des polyculteurs-éleveurs (ovins, bovins allaitants, cailles) et des polyculteurs (essentiellement en grandes cultures). Deux sont en Agriculture Biologique, dont un cultive des Plantes à Parfum Aromatiques et Médicinales. Cette diversité est intéressante. Elle est motrice. Elle permet de travailler sur la complémentarité entre élevage et culture. Nous y reviendrons plus tard…

2.Comment le groupe a émergé ? Qu’est ce qui a motivé les agriculteurs à se regrouper afin de faire évoluer leurs pratiques ?

Le groupe est issu du GDA de Brienne-le-Château. Certains d’entre eux souhaitaient aller plus loin que les autres membres du GDA. Ils souhaitaient engager des pistes de réflexion vers l’autonomie. Autonomie alimentaire pour les éleveurs et, bien sûr, autonomie en termes de produits phytopharmaceutiques (PPP). Ainsi, ils ont décidé de se constituer en GIEE. Un projet a été déposé en 2015 et la labellisation a été obtenue en 2017.

En parallèle, en 2016, un dossier de candidature 30 000 a été lui aussi déposé. 

Le groupe avait déjà commencé à travailler avant ça. Mais la reconnaissance 30 000 a permis une structuration du groupe.

3.Quels sont les objectifs du groupe en termes de réduction de PPP ?

Pour le moment, il est difficile d’avoir des objectifs chiffrés précis. Nous sommes en phase de diagnostic. Une fois cette phase terminée, nous saurons où les agriculteurs se situent et ce qu’il est possible de faire. Néanmoins, le plan d’action du groupe a pu être déterminé lors du dépôt du dossier GIEE. Mais les plans d’action individuels restent encore à définir.

4.Quels leviers mobilisez-vous pour atteindre ces objectifs ?

De nombreux leviers sont déjà mis en œuvre dans le groupe pour réduire les PPP. Le désherbage mécanique est l’un d’entre eux : le binage des colzas ou du tournesol, par exemple, se pratique dans le groupe.

Au-delà des leviers utilisés séparément, c’est la combinaison de tous qui est travaillée. La plupart des membres du groupe travaillent à la mise en œuvre de l’agriculture de conservation sur leurs exploitations. Ils font le pari, en diversifiant leurs rotations, en réduisant le travail du sol et en implantant des couverts végétaux, de favoriser la biodiversité fonctionnelle et de réduire à terme l’utilisation des PPP.

Un gros travail d’associations de culture est mené dans ce cadre. La réduction des herbicides est induite par cette technique.Certains agriculteurs travaillent sur des couverts permanents. Par exemple en association avec du colza, ils implantent un trèfle qui sera maintenu après la récolte, puis le blé sera semé directement dans ce couvert. L’herbicide n’est alors appliqué qu’à petite dose afin de limiter la vigueur du trèfle. La présence du couvert permet de limiter significativement les transferts vers les eaux souterraines par lessivage.

Pour favoriser la biodiversité fonctionnelle, un travail est également prévu sur unegestion commune du parcellaire. L’objectif serait de créer un maillage du territoire avec des infrastructures agro-environnementaleset des cultures diversifiées, afin d’éviter les gros ilots avec une seule culture. Ceci a pour but de limiter la concentration des éventuels ravageurs et favoriser les auxiliaires qui vont pouvoir passer d’une culture à l’autre en fonction de leurs besoins (nutrition adultes/nutrition larves).

Pour finir, le groupe travaille sur la complémentarité entre élevage et cultures. Par exemple, les moutons d’un des éleveurs sont régulièrement mis à pâturerdans les couverts végétaux des autres agriculteurs. Ceci permet, d’assurer l’autonomie alimentaire de l’éleveur mais aussi de détruire efficacement les couverts des agriculteurs ayant vu leurs parcelles pâturées. Mais, à l’heure actuelle, les surfaces qui seraient à pâturer sont trop importantes pour qu’un seul troupeau soit suffisant. Une réflexion est menée pour remédier à cela.

5.Comment évaluez-vous votre rôle au sein du groupe ?

Dans un groupe qui fonctionne bien, ce sont les agriculteurs qui sont moteurs. Les solutions viennent de leurs échanges. Mon rôle est de favoriser ces échanges.

En plus de cela, je peux aller chercher des éléments ou faire intervenir des personnes extérieurs au groupe afin lever des problèmes, de faire avancer le groupe. Je propose, mais je ne dirige pas.C’est un travail de mise en musique.

Pour finir, je contribue àla production de références techniques qui permettront de faire connaitre plus largement ce que les agriculteurs ont fait. Je mesure l’impact des pratiques.

6.Quels liens établissez-vous avec le réseau DEPHY ?

Au départ, c’est un Ingénieur Réseaux DEPHY qui a écrit le projet. Elle connaissait bien le groupe avant qu’ils deviennent un groupe 30 000. Ceci assure un lien fort entre son groupe DEPHY et le groupe 30 000. Ceux-ci assistent régulièrement à des événements DEPHY. C’est très positif.

7.Quels sont les freins (biologiques, climatiques, etc) à la réduction de produits phytopharmaceutiques ?

Les freins sont essentiellement économiques. Si un jour, on garantit des prix aux agriculteurs, peut-être que les choses accéléreront. Cela existe déjà en Agriculture Biologique. Mais les agriculteurs qui font des efforts, mais sans pour autant atteindre les exigences de l’Agriculture Biologique, ne voient pas leurs prix de vente valorisé. Il est important de reconnaître les efforts des agriculteurs par le prix de vente.

8.Selon vous, les moyens mis en œuvre sont-ils suffisants pour atteindre les objectifs de réduction de l’usage des PPP ? Identifiez-vous des obstacles et/ou des pistes d’amélioration dans votre travail d’accompagnement vers le changement de pratiques ?

Je trouve que les moyens sont suffisants. Ils ont permis de créer une dynamique. On sent que des changements s’opèrent dans les esprits. 

Néanmoins, les groupes 30 000 restent trop isolés. Ce qui a fait le succès des groupes DEPHY, c’est qu’ils fonctionnaient en réseau. Pour le moment, on ne retrouve pas ce mode de fonctionnement en Grand-Est et ça manque. Il serait intéressant que des échanges entre les groupes, des portes ouvertes soient organisés dans la région.


Témoignage de Marie-Anne JOUSSEMET, animatrice d’un groupe 30 000 chez Est Horticole

 

1.Parlez-moi du groupe 30 000 que vous animez.

J’anime un groupe constitué de 14 horticulteurs, qui se composent pour moitié de pépiniéristes et pour une autre moitié de floriculteurs.

Cette composition génère une hétérogénéité au sein du groupe, en effet, les pépiniéristes travaillent beaucoup en circuits courts, tandis que les floriculteurs sont organisé en grosse entreprise et ne font presque pas de vente directe. Toujours est-il que les membres du groupe sont fédérés pour la volonté commune d’obtenir le signe de qualité Plante Bleue. Cette hétérogénéité va créer de la richesse au sein du groupe.

Le groupe 30 000 est important, car avant cela, il n’existait aucune structure organisée horticole en Champagne-Ardenne. On part d’une somme d’électrons libres. 


2.Comment le groupe a émergé ? Qu’est ce qui a motivé les agriculteurs à se regrouper afin de faire évoluer leurs pratiques ?

Les contacts avec le groupe ont commencé il y a plusieurs années déjà, et ce, par l’intermédiaire de leur conseiller technique. Des horticulteurs ont ensuite commencé à assister aux Journées techniques organisées par Est Horticole. Puis, au fil des échanges, l’éventualité de se constituer autour d’un groupe 30 000 a émergé. 

En plus de cela, les horticulteurs souhaitaient être reconnus comme des structures respectueuses de l’environnement.

 

3.Quels sont les objectifs du groupe en termes de réduction de produits phytopharmaceutiques (PPP) ?

L’objectif du groupe est d’obtenir le signe de reconnaissance Plante Bleue niveau II. Pour cela, leur utilisation de produits phytosanitaires doit être raisonnée. Mais en plus, ils doivent mettre en œuvre des méthodes alternatives de lutte contre les ravageurs, comme la Protection Biologique Intégrée (PBI) ou l’utilisation de micro-organismes dans les substrats. Cette biotisation du substrat a plusieurs buts : occuper le terrain pour désavantager les microorganismes pathogènes, créer des symbioses, ou encore stimuler les défenses naturelles de la plante.

 

4.Quels leviers mobilisez-vous pour atteindre ces objectifs?

Les leviers mobilisés par les floriculteurs vont être différents de ceux mobilisés par les pépiniéristes.

En floriculture, nous travaillons principalement sur les auxiliaires de cultures. Par exemple, nous pratiquons des lâchers d’amblyseus qui se nourrissent de thrips, un ravageur bien connudes floriculteurs. Ou encore, nous utilisons des larves de chrysopes ou des parasitoïdes pour lutter contre les pucerons. Néanmoins, ces méthodes sont difficiles à mettre en œuvre. Le lâcher est difficile, et le maintien en vie des auxiliaires l’est encore plus. Par exemple, il faut un taux d’humidité de 70 % pour les maintenir en vie. Or, ces conditions sont difficilement compatibles avec la chaleur nécessaire à la bonne croissance des plantes. Nous essayons donc d’améliorer les techniques de lâcher, puis de gestion. 

Nous abordons cette question sous l’angle économique. En effet, l’utilisation d’auxiliaires est coûteux en temps, et donc, en main d’œuvre. Pour généraliser cette pratique, il est important de trouver des solutions permettant d’en limiter le coût.

En pépinière, la PBI est plus compliquée à mettre en œuvre. De plus, le principal poste de dépense de pesticides concerne les herbicides, et non les insecticides. Nous allons donc travailler principalement sur la gestion des adventices. Pour atteindre cet objectif, l’enherbement en pépinière pleine terre et le paillage en pépinière hors sol sont les moyens les plus efficaces. En plus, de cela, une réflexion sera menée sur les modifications des pratiques culturales en vue de limiter les conditions favorables au développement de maladies cryptogamiques. Pour finir, il est prévu d’optimiser la biodiversité aux abords des pépinières.

 

5.Concrètement, comment se passe l’animation du groupe ?

Nous avons déjà organisé deux réunions qui se sont déroulées chez des horticulteurs.

Par deux fois, les horticulteurs ont assisté à une Journée Technique à la station expérimentale d’Est Horticole. Nous avons visité une ferme DEPHY [un groupe DEPHY en horticulture existe depuis juillet 2016 en Grand Est, NDLR]. Pour finir, une journée chez un maraicher a eu lieu. Cette dernière a permis aux membres du groupe de découvrir du matériel utilisable en horticulture.

 

6.Comment évaluez-vous votre rôle au sein du groupe ?

Mon rôle est multiple. Premièrement, je dois faire en sorte que chacun se positionne à travers l’auto-diagnostic. Mais le plus important, est que les membres du groupe du groupe apprennent à se connaitre, qu’ils perdent la sensation d’être isolés dans leur campagne et acquièrent un réflexe collectif. 

Mais ceci ne peut pas se faire d’un coup. En effet, en horticulture, il n’y a pas de conseillers comme en agriculture. Ni de groupe de développement. Les horticulteurs sont très isolés. Ils n’ont pas l’habitude de travailler en groupe.

Je le redis : « on démarre de rien ».

 

7.Comment les solutions émergent ?

Tout le monde a un rôle dans la construction de l’édifice. Les horticulteurs, grâce à leur visite de salons apportent des idées au groupe. Mais, l’animateur peut aussi être force de proposition.

Aussi, nous avons beaucoup à nous inspirer de la vigne ou du maraichage. En effet, pour les gros sujets (qui concernent plus les pépiniéristes), certaines techniques ou matériels employés en viticulture pourront être utilisées. Pour les petits sujets (floriculture), ce sera le maraichage qui pourra être source de solutions.

Il peut aussi être envisagé de faire de la formation collaborative. Ce concept s’appuie sur le fait qu’un membre maîtrisant un sujet pourra le transmettre aux autres.

 

8.Quels liens établissez-vous avec le réseau DEPHY ?

Le réseau DEPHY Horticulture rassemble 8 groupes DEPHYFERME pour l’ensemble du territoire et 3 DEPHY EXPÉ. Nous nous connaissons tous car nous sommes tous membres de l’Institut Technique de l’Horticulture ASTREDHOR. Nous pouvons donc échanger entre animateurs et/ou professionnels


9.Quels sont, selon vous, les freins à la réduction de produits phytopharmaceutiques ?

En floriculture, les cultures se font sous serres. Nous sommes donc bien affranchis des conditions climatiques. Le principal problème vient d’ailleurs : de la qualité sanitaire des plants. En effet, de plus en plus, les jeunes plants que reçoivent les floriculteurs sont sanitairementsales.Ils présentent des maladies ou portent des insectes. Ceci nécessite de gérer ces ravageurs accidentellement introduits.

Ensuite, il faut savoir que la PBI reste coûteuse. Elle nécessite une réorganisation de l’entreprise qui la met en place. En effet, le temps lié à l’utilisation des auxiliaires de culture peut empiéter sur d’autres tâches courantes liées au fonctionnement normal de l’entreprise. On estime, qu’il faut environ quatre fois plus de temps lorsqu’on travaille en PBI qu’en chimique.

Employer ces techniques représente un réel effort !

Mais le défi (DEPHY) principal reste la sensibilisation de l’ensemble de la filière, de l’obtenteur au consommateur en passant par le producteur et les centrales d’achat. Ces dernières peuvent, par exemple, avoir des exigences sur la qualité sanitaires des plantes fournies. Ceci peut inciter les producteurs à appliquer un traitement insecticide juste avant l’envoi.

Néanmoins, les consommateurs sont de plus en plus regardants sur la manière dont ont été produites les plantes qu’ils achètent. Ceci est encourageant.


10.Selon vous, les moyens mis en œuvre, dans le cadre du volet 30 000, sont-ils suffisants pour atteindre les objectifs de réduction de l’usage des PPP ?

Les moyens sont suffisants pour démarrer le groupe, mais la durée du projet [les groupes 30 000 ne s’engagent que sur trois ans, NDLR] n’est pas suffisante. On ne pourra pas, sur un laps de temps aussi court, évaluer les retombés économiques des changements de pratiques.  En plus, à la fin du projet, le risque de revenir en arrière existe. 

L’idéal serait de travailler sur six ans, comme les groupes DEPHY.